Nuances #2

Ismaïl Bahri, Bruno Silva & Andréa Spartà
Les œuvres de trois nouveaux artistes rejoignent Nuances
Du 5 oct. au 6 déc.


© Anne Eppler


Avec ce deuxième opus se déploient de nouvelles nuances et de nouvelles visions du monde. Ces trois propositions artistiques s’ajoutent à celles déjà présentes et invitent à regarde notre société d’un autre œil.



Bruno Silva

UN PAYSAGE QUI, COMME DANS LES RÊVES, SE
MÉLANGE ET SE DÉFORME


Je présente au théâtre la série Insomniacs (Laundry), qui évoque le fait d’être dans un état d’éveil constant. Pour moi, l'insomnie représente une forme de latence, entre la fatigue et le repos. Je travaille à partir d’éléments du quotidien qui se trouvent dans les limbes, en attente, dans un état entre deux. J’ai commencé à collectionner des images d'œil en me baladant dans la rue et en photographiant dans les vitrines des jouets qui attendent d’être achetés, les yeux grands ouverts. J’ai associé ces images à du linge de lit déjà utilisé, un peu passé. J’enduis le textile de colle à bois, sur plusieurs couches, en y imprimant par transfert les motifs d’yeux et du tissu que je scanne en amont. Cela permet à ces formes de se balader entre les couches de matière laiteuse, sur un fond ressemblant à un paysage qui, comme dans les rêves, se mélange et se déforme.”




Andréa Spartà


CES DONNÉES NOUS INDIQUENT CE QU’IL SE
PASSE DANS LE MONDE
       

      

L’installation The Weather, imaginée pour le théâtre, prend son origine dans la notion de météo. La météo, c’est à la fois un ensemble de phénomènes — la pluie, le vent, le soleil, etc. — mais c’est aussi le relevé de données liées à ces phénomènes. Ces données nous indiquent ce qu’il se passe à un moment donné, à un endroit donné, dans le monde. Elles nous indiquent un « être-là ». Ici, The Weather, la météo donc, ce sont ces lampes faites de rideaux censés nous protéger du soleil et de lampes anti-insectes censées nous protéger des nuisibles. Les rideaux sont roulés sur eux-mêmes, ils forment un espace intérieur, intime, d’où irradie la lumière ultraviolette des néons. Ces lampes sont reliées entre elles par un enchevêtrement de câbles et de multiprises, dont le flux électrique arpente en permanence le sol. Il émane de l’installation une charge physique ; elle devient un corps vibrant, comme nous le sommes.

Lorsque nous traversons l’installation, nous arrivons sur une série de dessins de très petit format, témoins discrets de ce qui se joue entre les visiteurs et l’installation. Ils ont été générés à l’aide d’une intelligence artificielle à partir de la description du projet. Ce sont des fruits inidentifiables, pleurants, larmoyants, de manière presque grotesque, une tristesse dont nous ignorons la raison.”

        

Ismaïl Bahri
        

La série de films Revers 2, 4 et 5 (2017) de l’artiste Ismaïl Bahri est un catalyseur du projet Nuances. À l’écran, un homme froisse et défroisse une page de magazine : le papier glacé, dont l’image est brillante au départ, devient un chiffon gris. Nous devenons témoins de l'effacement de la couleur et, à travers ce geste simple, de la destruction de l’image. Symboliquement, cette action modeste porte une signification bien plus profonde : effacer l’image, c’est anéantir le monde qu’elle incarne.

Bruno Silva

               

Bruno Silva, né en 1986 au Portugal, vit et travaille à Clermont-Ferrand. Dans sa pratique, il se laisse entourer de formes, observées ou trouvées au gré de moments de flânerie, d’expériences personnelles ou de rencontres aléatoires, qui deviennent les sources de son travail. Il a récemment exposé au Creux de l’enfer (Thiers) et à In extenso (Clermont-Ferrand). Il a également exposé à FELT Galleri (Bergen), TARS Gallery (Bangkok) et Galeria do Sol (Porto).

 
Insomniacs (Laundry) 

    

Dans le bureau de la billetterie, un des collages de la série Insomniacs (Laundry) de Bruno Silva est présenté. Au théâtre, est dispersée une dizaine de ces collages qui associent du linge de lit à des yeux ébahis, constamment ouverts. Observateurs et observés, nous sommes invités à parcourir les espaces du théâtre à la recherche des lieux lisières qui les accueillent des loges à la régie, en passant par le dessous de scène, la salle des fresques et l’entrée du petit théâtre.





Andréa Spartà est né en 1996, il vit et travaille à Paris. Ses installations, teintées de mélancolie, réunissent des objets que chacun peut reconnaître, dont la noblesse se soustrait généralement à notre regard. Son travail a fait l’objet d’expositions dans des lieux tels que le Frac Île-de-France (Paris), la Kunsthalle de Bern (Berne, Suisse), la Cité Internationale des Arts (Paris) ou la Fondazione Pistoletto (Biella, Italie).

The Weather

À l’étage, dans l'espace Cabaret, les silhouettes vibrantes des sculptures lumineuses d'Andréa Spartà apparaissent. Elles sont accompagnées de délicats dessins de fruits qui semblent nous épier, évoquant des pleureuses aux larmes exagérées. La façon dont ces œuvres et leurs éléments se manifestent à notre sensibilité relève du phénomène : une atmosphère, un flux d'énergie, une météo, The Weather. Ici, quelque chose se joue, perceptible davantage par nos sensations que par notre vue propre.














Né à Tunis en 1978, Ismaïl Bahri vit et travaille entre Paris et Tunis. L’artiste utilise la vidéo, le dessin, la sculpture ou le son et se positionne en observateur pour mettre en place un dispositif de captation de gestes et d’expérimentations empiriques, prêtant attention à « ce qui arrive ». Son travail a été présenté, entre autres, au Jeu de Paume (Paris), au Musée Reina Sofia (Madrid), et au Centre Pompidou (Paris). Ses films ont été sélectionnés dans des festivals tels que TIFF (Toronto), NYFF (New York), et IFFR (Rotterdam).